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Comme toujours, le Frac a demandé aux artistes de l’exposition de proposer quelques livres aux visiteurs.

Ceux qui se sont prêtés au jeu de la suggestion bibliographique (parmi lesquels Georgina Starr, Abdessamad El Montassir et Anne Rochat, ainsi que Sylvie Zavatta, commissaire de l’exposition) ont à nouveau composé un bel ensemble, dont le dénominateur commun serait la présence de l’humain à son environnement, dans son rapport à l’autre comme dans sa solitude. Poésie, sociologie, onirisme ou journal de voyage nous emmènent dans les pérégrinations mentales ou géographiques d’auteurs et de personnages hauts en couleur.

Ainsi, l’introspection est à l’honneur dans la bibliothèque idéale de Georgina Starr qui a sélectionné trois livres où le monde réel se confond avec l’imaginaire et les hallucinations : L’Invention de Morel, d’Adolfo Bioy Casares, et son île déserte surpeuplée de figures insaisissables qui effrayent le narrateur, Les Demeures du sommeil d’Anna Kavan qui plonge dans le monde onirique de l’autrice, et enfin L’Homme Jasmin où la poétesse Unica Zürn nous introduit dans un univers et un rapport au monde tourmenté, et poétique au plus noble sens du terme.

Une introspection que l’on retrouve dans la sélection d’Anne Rochat, qui fait particulièrement écho à la performance SPO2 de l’artiste qui sera présentée au Frac ultérieurement : les poèmes d’Henri Michaux qui, dans Lointain Intérieur, résoud de « faire un » avec le fleuve, le flux de conscience autobiographique de l’autrice brésilienne Clarice Lispector qui se demande, dans Agua Viva : « L’instant prochain est-il fait par moi ? ou se fait-il tout seul ? Nous le faisons ensemble par la respiration »… L’introspection de Fernando Pessoa racontant son autobiographie à travers celle de son double fictif… Mais aussi l’ « introspection sociale » par laquelle Didier Eribon se propose d’analyser, en se sondant lui-même, le fonctionnement d’un environnement social qui nous concerne tous. Et pour finir, le récit de voyage d’Alexandra David-Néel, Voyage d’une Parisienne à Lhassa, qui voit l’autrice « changer de personnalité » pour aller incognito à la rencontre de l’inconnu.

Abdessamad El Montassir pour sa part témoigne à travers ses choix bibliographiques de son questionnement sur la place et l’interconnexion de toutes les strates du vivant, qui non seulement cohabitent et coopèrent pour maintenir le flux de la vie (tels les insectes et les orchidées dans Le Ravissement de Darwin, par Carla Hustak et Natasha Myers), se répartissent un territoire (les oiseaux et leurs chants dans Habiter en oiseau de Vinciane Despret) mais permettent aussi de mettre en lumière la chaîne des inégalités sociales et des dégâts commis par les humains (le champignon « matsutake » poussant dans les ruines qui permet à Anna Lowenhaupt Tsing d’analyser le capitalisme contemporain dans Le Champignon de la fin du monde). Un autre livre d’Anna Lowenhaupt Tsing, Friction, aborde la manière dont ce même capitalisme s’accapare des territoires appartenant aux peuples indigènes, et les actions de défense menées par les mouvements environnementalistes.

Quant à Sylvie Zavatta, outre L’espace vide de Peter Brook – une anthologie d’écrits sur le théâtre – elle a choisi Flatland d’Edwin A. Abbott, un conte philosophique intriguant où les habitants d’un monde en deux dimensions découvrent qu’il en existe une troisième. Une très belle réédition par Zones sensibles en 2012…

Comme d’habitude, cette bibliothèque idéale est consultable dans l’espace prévu à cet effet au sein de l’exposition. Au terme de celle-ci, vous pourrez retrouver ces livres à la bibliothèque et les emprunter pour les lire ou les relire chez vous !